Au collège nous étions un petit groupe à l'avoir lu et Victoria m'avait raconté qu'en commençant les particules élémentaires elle avait eu ses règles pour la première fois, insinuant par-là que le rapport de cause à effet était indéniable. Comme si lire Houellebecq, par un miracle épatant, pouvait rendre plus adulte, plus femme.
Nous essayions d'imiter sa manière de fumer, en tenant la cigarette entre le majeur et l'annulaire, son parlé très lent, nous avions l'air idiotes. J'avais commencé mon sujet d'invention au brevet (celui sur le clochard, peut-être ceux qui l'ont eu s'en souviennent) par "dans la vie tout peut arriver, et surtout rien ". Il y avait aussi ce grand coffret inrocks qui trônait dans notre bibliothèque, avec sa tête en grand, comme ça, et ma mère disait qu'il était laid, je lui répondais "pas vraiment" en pensant pas du tout.
J'en parle parce que j'ai lu un article sur lui dans un de mes blogs favoris et repenser à cette époque m'attendrie.
Aussi mon année de troisième trouve un écho parfait dans celle de terminale, je ne peux plus revoir l'une sans songer à l'autre. J'avais relu Houellebecq à cause de Monsieur C., nous en parlions souvent, c'était un de nos sujets préférés, inépuisable.
Je voyais en lui une sorte de Houellebecq II, parce qu'il aimait Kraftwerk, Françoise Hardy et Neil Young, parce qu'il avait toujours l'air las et qu'il fumait trop; ils étaient dans mon esprit rigoureusement parallèle l'un à l'autre.
Monsieur C. m'a donc malgré lui réconcilié avec une partie de mon adolescence et Houellebecq I. Merveilleux.
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Le tourisme de masse défigure Florence. Rectification : le tourisme de masse défigure absolument tout, mais en l'occurrence florence y est particulièrement sujette. Vraiment, c'est idiot, mais voir ces gens prendre en photo tout et n'importe quoi, se mouvoir bêtement d'un point A à un point B, persuadés de pouvoir faire ce qu'ils veulent, se tenir comme ils l'entendent parce qu'ils ne sont pas chez eux, m'ôte le plaisir d'être dans une des plus belles villes du monde.
Le tourisme n'est pas une solution, c'est un problème, un énorme problème qui rend le monde étroit, uniforme et laid.
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J'avais vu une interview, ou enfin je ne sais pas bien ce que c'était, mais disons une vidéo où Desplechin racontait une scène de Ma vie sexuelle, celle où la porte automatique refuse de s'ouvrir devant paul Dedalus. Desplechin disait, si ma mémoire est bonne, que Paul comprend à ce moment là à quel point il existe peu, qu'il n'existe même pas assez pour que cette porte le détecte. Alors il a sa thèse dans la main et il fait des grands gestes en espérant tout débloquer, il se dit peut-être la thèse, c'est un objet, peut-être qu'après tout elle existe plus que moi. Mais ça ne marche toujours pas. Finalement la porte s'ouvre avec le passage de trois jeunes filles qui ne se rendent compte de rien.
Je n'avais pas remarqué cette scène, je n'en avais pas gardé le souvenir, mais la manière dont Desplechin en parlait m'a beaucoup plue (l'impression que ses films sont toujours mieux quand il en parle que quand on les voit, de toute façon).
C'est un peu le sentiment que je me fais ces temps ci : j'ai l'impression d'être paul Dedalus devant cette porte qui refuse de s'ouvrir, et voir les gens vivre sans y prendre garde, faire naturellement tout ces petits gestes qui me semblent laborieux, m'épate assez.