mercredi 29 mai 2013

L'autre fois je suis tombée sur les Marseillais à Cancun et je me demandais, quand je les voyais, si c'était pas un peu comme de regarder dans les yeux d'un lapin : on sait pas bien s'il comprend, s'il sait qu'il est un lapin, s'il a une âme. Et tout compte fait je crois plus en l'âme du lapin qu'en celles des Marseillais à Cancun. Pardon pour eux.

jeudi 23 mai 2013

Monsieur C., Clément Rosset et Moi.

La seule différence, ou du moins la principale différence, est qu'un film est destiné à intéresser un public, large ou restreint ; alors que le rêve n'intéresse personne en dehors de celui ou de celle qui a fait le rêve. Il ne constitue, par rapport au film, qu'une "projection privée". Il est donc essentiellement "inénarrable". Son récit fera bâiller tous vos amis et ira jusqu'à endormir votre psychanalyste, si celui-ci pousse la conscience professionnelle au point de vous écouter. - Propos sur le cinéma, Clément Rosset. 

J'ai découvert Clément Rosset en décembre 2009 grâce à un podcast des nouveaux chemins. Il m'avait enthousiasmé au-delà de l'imaginable alors je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai attendu 2012-2013 pour le lire mais décidément je ne m'en plains pas : ça me donne trop l'impression de revivre mes cours de philo de terminale.


mardi 21 mai 2013

Je rentre demain à Paris pour quelques jours le temps de régler certains problèmes administratifs. Je me sens un peu perdue ici, un peu mal là-bas, de sorte que ma préférence ne se porte sur aucun de ces lieux et reste comme en suspend, dans l'attente d'un évènement décisif qui pourrait faire pencher la balance. Je n'ai pas revu monsieur c., j'irai sans doute lui parler en rentrant, essayer d'avoir une discussion plus longue ; je veux voir si c'est toujours possible, je le crois dans le fond mais le voir, le vivre serait rassurant et apaisant. En attendant j'ai quatre mois libres devant moi et je me lance dans la lecture de la Recherche. Je n'ai pas envie de jouer le jeu de l'été, des débardeurs et des peaux moites.

vendredi 17 mai 2013

Donc à midi je montais chez moi, à rebours des lycéens qui descendent le long du F. et je l'ai croisé. Il regardait droit devant l'air un peu contrarié, il ne me voyait pas. J'ai juste eu le temps de penser que l'homme que j'observais là était aussi l'ombre tutélaire qui m'avait obnubilée pendant toute une année, d'une façon parfois déraisonnable, avant qu'il ne tourne la tête et me remarque. Il m'a souri avec douceur, s'est approché, a posé une main bienveillante sur mon épaule et m'a fait la bise. C'est ridicule je sais mais mon coeur jouait l'ouverture de Carmen, au moins. "Qu'est-ce que tu fais là ?" j'ai répondu que je rentrais chez moi "et les études, tu as laissé tombé ?" explication rapide qui se termine sur le-droit-c'est-pas-possible "ah c'est autre chose". "Tu es là pour quelques temps ?" oui, bien sûr, "donc tu restes ici jusqu'à septembre" oui enfin non mais presque, cette manière d'insister sur ma présence me trouble un peu, je veux y voir une invitation, quelque chose qui dirait "repasse me voir". Il reprend tôt, il doit y aller, je dis "on se recroisera sûrement" et il dit oui voilà ou oui bien sûr, enfin oui quelque chose. En continuant mon chemin j'ai du mal à réaliser que "monsieur C. m'a fait la bise".
Trop de sentiments, comme on dirait sur Nrj 12.

samedi 11 mai 2013

Je me sens parfois solitaire,  
Je ne donne jamais de soirée 
J'entends ma voisine s'affairer, 
Parfois ma voisine exagère. - Renaissance, Michel Houellebecq. 

Sans raison je repense à ce jour où m'a voisine est venue chez moi pour faire connaissance. On parlait comme ça "- je fais des études de droit - vraiment ? je suis juriste", ce genre de choses, puis elle me coupe et elle dit "tu ne mets pas de musique ? c'est drôlement silencieux, ça m'angoisse" après quoi elle lève la tête, regarde mes livres et rajoute "mais t'en fais quoi de tous ces livres ?" comme si le fait que je puisse simplement les lire lui était absolument inconcevable et qu'il en existait un autre usage dont moi seule aurait le secret.
Je ne sais plus ce que j'ai répondu mais elle n'est jamais revenue me voir. 

mercredi 8 mai 2013

Il n’était pas beau, mais la tristesse et la quarante-cinquième année lui donnaient un prestige considérable. - Les enfants tristes, Roger Nimier. 

Cependant, cacher totalement une passion (ou même simplement son excès) est inconcevable : non parce que le sujet humain est trop faible, mais parce que la passion est, d'essence, faite pour être vue : il faut que cacher se voie : sachez que je suis entrain de vous cacher quelque chose, tel est le paradoxe actif que je dois résoudre : il faut en même temps que ça se sache et que ça ne se sache pas : que l'on sache que je ne veux pas le montrer : voilà le message que j'adresse à l'autre. Larvatus prodeo : je m'avance en montrant mon masque du doigt : je mets un masque sur ma passion, mais d'un doigt discret  (et retors) je désigne ce masque. - Fragments d'un discours amoureux, Roland Barthes. 




L'an dernier Monsieur C. nous disait que rien n'est plus chiant que quelqu'un qui vous raconte un rêve, rêve dont vous vous fichez et que vous ne comprenez peut-être même pas mais qu'il faut se coltiner malgré tout, couper votre interlocuteur revenant à avouer trop brutalement votre désintérêt pour sa personne. J'ai oublié ses mots et je suspecte cette retranscription d'être en partie infidèle, mais l'esprit de sa phrase reste intact. 
En revanche, je me souviens très bien lui avoir répondu qu'on racontait toujours ses rêves dans l'optique de faire comprendre quelque chose sur nous qu'on serait incapable d'avouer sans précaution. Je ne suis pas allée au bout de ma pensée ce jour là mais je voulais dire que c'est le caractère détourné de la confession qui accentue ce sentiment de guet-apens dont il nous parlait : nous n'avons pas tellement de mal à comprendre ledit rêve, on perçoit au contraire trop bien ce qu'il laisse (mine de rien) paraître. Un peu à la manière d'un mauvais film dont on dirait que les intentions du réalisateur sont trop manifestes. En l'occurrence on sent parfaitement le message derrière le récit sans toutefois pouvoir y répondre clairement : cela serait comme pointer du doigt le manque de subtilité de l'autre et nous risquerions de le vexer. On est donc littéralement pris au piège par cet aveu qui ne s'assume pas. 
Si je repense à cet échange c'est que j'ai très envie de retourner donner de mes nouvelles à Monsieur C. et en même temps trop peur de lui infliger un déballage maladroit, ayant encore moins d'intérêt qu'un rêve. Alors je l'imagine dire à ses futurs élèves "rien de plus chiant qu'une ancienne terminale qui revient vous raconter sa première année ratée dans le supérieur" et j'attends désespérément que cette envie me passe.