mercredi 6 février 2013


"On l'attire dans le hall, il se retourne pour me dire "... je le lirai, c'est noté !" et je m'appuie contre le pilier derrière moi. Je suis juste en face de la porte et j'observe ce qui se passe à l'intérieur. Triste spectacle. Petits conciliabules éparpillés qui discutent sagement. On devine sans les entendre l'avalanche de lieux communs que déversent les bouches de ces vieilles en fourrure, de ces intellos bobos télérama france culture prof (de gauche) de français ou d'histoire. On croise toujours les mêmes têtes dès qu'il est question de culture dans cette ville. C'est pareil partout, je crois.
J'ai perdu A. de vue mais il réapparait soudain, seul, l'air un peu désorienté. Il détonne au milieux des autres. Une certaine prestance naturelle qui en impose. Il croise mon regard, marque une pose et repart vite auprès de personnes qu'il connait.

Il répète le même rôle, en boucle. D'un groupe l'autre il glisse exactement comme si quelque chose l'attendait ailleurs ; cet ailleurs n'existe pas, il le sait. C'est une excuse pour ne pas rester en place, ne pas être là.  Il les méprise tous et - pour qui sait observer - ne s'en cache même pas. 
Étrangement, j'ai l'impression que si nous nous vouvoyions j'aurais pu lui en parler franchement. Ça n'est pas une idée très sérieuse.. Le tutoiement n'en reste pas moins une impasse à toutes discussions profondes, dépouillée d'hystérie.
Je joue la scène dans ma tête : "Décidément vous n'êtes pas bien courageux, ça vous arrive de les affronter plus d'une minute ?", impossible d'imaginer, même un millième de seconde, dire : "A.,tu es un lâche". Ça sonne comme une sentence ; je n'ai pas envie de le condamner....
Quoiqu'il en soit je suis incapable de prévoir sa réponse, dans les deux cas... Elle n'aurait probablement aucun sens, aucune importance. Une fanfaronnade de plus. Au mieux.

Je me relis, là, et je repense à cette psy au C.S qui me disait "mais enfin vous n'êtes pas omnisciente ! comment pouvez vous savoir si précisément ce que les autres pensent ?". Elle avait raison. Si ça se trouve tout ça n'a jamais eu lieu que dans ma tête : A. ne serait donc pas lâche, simplement pressé et sollicité de toutes parts. Voilà tout."

Journal, 20 décembre 2012