vendredi 30 août 2013

J'ai tendance à nous mettre un peu abusivement dans le même panier, Laura et moi, parce que penser "on" me permet d'aller plus loin, d'être plus honnête aussi, que si je me contentais d'être mon seul sujet d'analyse. Je me sens plus libre d'examiner froidement ces choses qu'on refusera toujours de s'avouer et qui deviennent plus viables sous l'étendard du "on". Et puis des fois je pense à elle et je comprends des choses sur moi et je finis par penser que ça nous concerne autant l'une que l'autre, jusqu'au jour où on en parle et où je réalise que pas du tout.
Tout ça pour dire qu'un soir on avait une de ces discussions sans tabou un peu débridées que permet l'alcool, ou plus exactement l'abus d'alcool (juste, j'ouvre une parenthèse pour vous dire que si un jour vous faites un bière-pong et qu'il n'y a plus de bière pour finir la partie, n'attaquez pas au vin, parce que comme dit le proverbe et comme je l'ai appris à mes dépends : bière et vin égal venin, parole d'une fille qui supporte tous les autres mélanges possibles et imaginables, celui là est mortel - fin de cette parenthèse conseil consommation d'alcool), on se questionnait sur cette propension qu'on a à un peu trop idéaliser les relations amoureuses et à tomber facilement dans... dans une sorte de pudibonderie légèrement obsolète, disons le comme ça, et Laura de conclure que c'était à cause de la Comtesse de Ségur, parce qu'elle l'avait trop lue étant petite. Du coup moi aussi je cherchais mon coupable et comme je n'en ai trouvé aucun (4 filles et un Jean ou LBD ça ne compte pas, soyons sérieux) j'en ai déduit qu'il n'y en avait pas, ni pour elle, ni pour moi, et qu'on appartenait tout simplement à une catégorie de jeunes filles aussi intemporelles qu'imperméables aux modes, seulement ça a longtemps, pour ne pas dire toujours, été la mode, voire la norme, et ça ne l'est plus : d'où ce sentiment de décalage assez inconfortable.
Le lendemain, j'ai continué de penser à cette discussion et je me suis dit ça : on a vingt ans, laura un peu plus, moi un peu moins, mais peu importe, nous sommes encore jeunes, ce qui nous dérange c'est cette frontière invisible entre jeunes filles tardives et vielles filles précoces, on ne sait pas où elle est et si un jour on le découvre cela signifiera qu'on sera passées de l'autre côté. C'est le spectre de la vielle fille qui nous angoisse, plus que le statut de jeune fille un peu anachronique.


dimanche 18 août 2013





Avec Vanina on s'est toujours disputées, puis réconciliées, puis re-disputées etc., c'était une amitié passionnelles comme seules peuvent l'être celles des enfants, jusqu'au jour où nos chemins ont véritablement divergé et depuis la cinquième on se fréquente plus. Pourtant on est du même village, on habite en face l'une de l'autre à bastia, on a été dans le même collège puis dans le même lycée, mais enfin chacun avait ses amis, ses centres d'intérêts, on se disait bonjour comme ça, on se parlait de temps en temps, vite fait. Mais en septembre prochain elle monte vivre à Paris et je sais que nous nous reverrons, qu'elle entrera dans ce cercle qui était le notre cette année, nos différences auront disparues. Cela me donne l'impression que ma vie tourne littéralement en rond. Ce n'est pas vraiment désagréable : au fond, la retrouver elle c'est retrouver un peu de mon enfance, de notre enfance commune. Elle se souvient sûrement de cette femme que nous avions appeler PV et qui faisait une drôle de gymnastique dans la piscine, et du jour où en descendant de la cabane on avait croisé ce chien immense qui nous avait fait tellement  peur et des batailles d'eaux, des Gestapos, de l'histoire du chewing-gum, des gamelles, de cette dispute où l'on ne s'était plus parlées pendant 4mois entiers, record absolu, alors qu'on était dans la même classe et au même endroit pendant les vacances, que sont devenus célia, jean-baptiste, ambre qu'elle détestait tant, ou nathalie, et comment s'appelait ce type qui me faisait tellement rire au cm2, jean-pascal ? jean-pierre ? pierre-jean ? le nombre de discussion possible est infini, et peut-être que nous les aurons, mais peut-être aussi qu'on se contentera de vivre nos vingt-ans sans ressasser inlassablement les mêmes anecdotes, peut-être qu'on se dira juste où on sort ce soir ? qu'est-ce que tu fais demain ? et nous partagerons de nouveau une grande complicité, immédiate, évidente, parce que nous avons ces souvenirs là, ce passé là.
Il y a quelque chose avec les autres du villages, même si certains me fatiguent je ne peux que les aimer ; on ne partage que ce lieu, pourtant cela suffit à susciter en moi une grande bienveillance à leur égard. Un jour Élodie en me montrant un cailloux m'a dit "ça c'est moi" et je comprenais bien ce qu'elle voulait dire, chaque pierre, chaque rue, chaque arbre, au village, c'est moi, c'est elle, c'est nous et c'est ce qui fait qu'on continue d'y monter tous les étés, plus ou moins longtemps, et qu'on y sera toujours chez soi, pétri du  sentiment d'appartenance à une communauté, à une famille élargie pour laquelle on éprouve cette affection sans condition rationnelle, indépendante des qualités réelles des uns et des autres.